Eau du robinet ou eau en
bouteille ?
Quelle est la meilleure
pour la santé et l'environnement ?
Article mis à jour
le 04 octobre 2019, 16:07
Doit-on préférer
l'eau en bouteille ou l'eau du robinet pour notre santé ? Si cette question est
tranchée d'un point vue environnemental, la conclusion est bien plus ardue
lorsque l'on s'intéresse aux contaminants de l'eau (nitrates, pesticides,
métaux lourds...) et notamment les microplastiques qui souillent maintenant
notre planète.
Doit-on
consommer de l'eau du robinet ou de l'eau en bouteille ? La réponse n'est pas
si évidente. Écologiquement, la mise en bouteille, son transport et la gestion
des déchets est polluant et énergivore mais qu'en est-il de la qualité de l'eau
que nous buvons ?
En France, consommer de l'eau du robinet, dans un pays qui se targue d'avoir
les meilleurs contrôles qualité au monde pourrait nous conforter dans ce choix.
L'eau du robinet
contient des nitrates et pesticides
Soulignons
que plus de 90 % des cours d'eau en France sont contaminés par
des pesticides, pesticides que l'on retrouve ensuite dans l'eau du
robinet.
En témoigne une analyse urinaire de détection du glyphosate effectuée en 2019
par une personne qui ne mange que des produits bio mais boit de l'eau du
robinet. Ses résultats ont montré une contamination assez élevée en glyphosate.
Quid de l'aluminium dans l'eau du robinet ?
Autre
sujet d'inquiétude : l'aluminium,
un métal présent naturellement sur Terre que l'on retrouve partout : dans les
organismes vivants, le sol, l'eau... Sa concentration dans l'eau du robinet,
non renseignée dans les analyses, a fait l'objet de suspicions quant à son lien
avec la maladie d'Alzheimer qui touche maintenant 900 000 personnes en France.
En fait, dans l'état actuel des études sur la question : "il ne peut être
envisagé d'association causale entre l'exposition à l'aluminium via l'eau du
robinet et maladie d'Alzheimer", a réaffirmé l'ARS en 2014.
De l'arsenic dans l'eau du robinet ?
Selon
une étude menée par un groupe de chercheurs de
l'Environmental Working Group (EWG) effectuée en Californie de 2010 à 2017, la
consommation d'eau du robinet aux Etats-Unis pourrait être à l'origine de
centaines de milliers de cancers.
En cause : la présence d'arsenic mais aussi de produits désinfectants dans
l'eau du robinet.
"L'arsenic est
connu pour sa forte toxicité générant des troubles digestifs graves pouvant
entraîner la mort (l'arsenic a été d'ailleurs longtemps utilisé comme poison mortel.
La dose létale est comprise entre 70 et 180 mg). D'autres toxicités ont été
découvertes, notamment le risque vasculaire et le risque sur l'athérosclérose
carotidienne découverte en 2002. L'arsenic est surtout un cancérogène
entraînant des cancers de la peau et des cancers internes." (La qualité de l'eau et assainissement en France,
2003)
En
France aussi, l'arsenic est retrouvé dans l'eau du robinet en quantités
variables suivant la géographie des stations de pompage. Si l'arsenic est suivi
très régulièrement pour les grandes villes, ce n'est pas le cas pour les plus
petites villes où la population peut donc être exposée en fonction de sa
localisation. En effet, l'arsenic provient du sol et se retrouve principalement
dans les roches anciennes, granitiques (Vosges, Bretagne, Corse...) ou les
roches volcaniques (Massif Central) mais aussi des carrières, y compris les
plus anciennes.
Les
eaux minérales ne sont pas exemptées d'arsenic et ce sont les eaux
bicarbonatées gazeuses qui en contiennent le plus (Anses, 2008).
L'eau du robinet altérée par l'état des canalisations
En 2016,
l'association Que Choisir publiait une enquête alarmante sur la qualité réelle de l'eau du robinet en
ajoutant un critère important : l'état
des canalisations qui délivrent l'eau courante et la
présence de composants toxiques comme le plomb, le cuivre, le nickel et le
chlorure de vinyle. Si l'initiative est louable, elle manque cruellement de
points de contrôle comme le souligne Que Choisir : "pour la recherche du
plomb, du cuivre, du nickel, du chlorure de vinyle et de l'épichlorhydrine, le
prélèvement de l'eau se fait fréquemment au robinet des consommateurs. Par
conséquent, leur présence dans une analyse ne signifie en aucun cas que cette
pollution affecte l'ensemble du réseau ou de la ville, car elle peut ne concerner
par exemple que certains branchements du réseau, certains immeubles ou
logements." Ce qui signifie que la qualité de l'eau du robinet dépend
principalement de l'état des canalisations en aval, dans notre logement.
De l'eau du robinet radioactive ?
L'Association
pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (ACRO) a jeté un pavé dans la mare en montrant
que plus de 268 communes en France délivrent une eau du robinet qui contient du
tritium (un hydrogène radioactif rejeté par les installations nucléaires) et
que pas moins de 6,4
millions de personnes sont alimentées par une eau contaminée au tritium.
Carte à l'appui, de nombreuses communes
d'Ile-de-France et des Pays de la Loire sont concernées (Paris, Colombes, Les
Ulis, Noisy-le-Grand, Corbeil-Essonnes, Orléans, Blois, Tours, Angers,
Nantes...).
En
cause : les installations et centrales nucléaires installées le long de la
Seine et de la Loire qui rejettent des éléments radioactifs dans l'eau.
Heureusement,
aucune valeur mesurée ne dépasse le critère de qualité fixé à 100 Bq/L instauré
par les autorités sanitaires, sauf à Saumur où des doses de 310 Bq/L ont été
mesurées : l'Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN)
s'est emparée du sujet mais ne parvient pas à
expliquer cette concentration qui ne serait pas à imputer aux centrales
nucléaires...
Dans
tous les cas, la présence de tritium dans l'eau potable ne chiffonne pas
Jean-Michel Bonnet, le directeur de la santé de l'IRSN : "en consommant
deux litres d'eau par jour pendant un an contenant 10 000 Bq/l de tritrium, la
dose de radiation à laquelle on s'expose équivaut à celle reçue au cours d'un
vol Paris-Tokyo. Cette exposition est dix fois plus faible que la dose reçue
par le corps humain lorsqu'il est soumis à un examen médical par scanner."
Pour
l'ACRO, il ne s'agit pas d'apeurer la population qui boirait une eau dangereuse
pour la santé mais de sensibiliser nos décideurs sur les conséquences
d'un accident nucléaire majeur en France :
"en cas d’accident grave sur une des centrales nucléaires sur la Seine, la
Vienne ou la Loire, il n’y aura pas que le tritium rejeté et ce sont des
millions de personnes qui risquent d’être privées d’eau potable. Comment les
autorités vont-elles faire pour assurer les besoins vitaux de ces personnes ?
Aucun plan n’est disponible pour le moment."
Comment vérifier la qualité de son eau du robinet ?
Finalement,
en vérifiant régulièrement, grâce au site web dédié du Ministère de la Santé, que
l'eau délivrée à son domicile présente de faibles teneurs en nitrates et
pesticides, l'eau du robinet peut tout à fait être consommée sereinement.
D'autant plus que la très grande majorité des contaminants que nous ingérons,
proviennent de notre alimentation, qui elle doit être surveillée avec sérieux,
en privilégiant principalement les produits d'origine biologique.
65 fois
plus chère que l'eau du robinet, à l'origine de 150 000 tonnes de déchets
plastiques par an en France, l'eau embouteillée ne serait pas franchement
justifiée. Et pourtant, d'autres
composants chimiques polluent l'eau : substances médicamenteuses,
partiellement supprimées lors du traitement et plus inquiétant encore, des
plastiques, des hydrocarbures et des nanoparticules qui ont envahi notre
quotidien et notre alimentation... "Aujourd'hui, cet effet « mélange de
molécules » mobilise des programmes de recherches spécifiques se déroulant dans
le monde entier." précise le Centre d'Informations sur l'Eau (CIEAU). Or, ces nouveaux polluants ne sont pas
mesurés ou non divulgués par les analyses publiques du contrôle sanitaire des
eaux destinées à la consommation humaine.
80% de l'eau du robinet contient du plastique
Depuis
1950, année où le plastique fait son apparition dans notre vie quotidienne,
nous avons produit et consommé à l'échelle mondiale 8,4 milliards de tonnes de
plastique (plus de 1 million de fois le poids de la tour Eiffel). Une étude publiée en 2017 dans Science Advances
montre que 6,3 milliards de tonnes de ces déchets sont des plastiques très peu
biodégradables, qui s'accumulent dans les milieux et sont transportés vers
l'océan par les cours d'eau.
Aujourd'hui, on trouve des morceaux de plastique,
mais aussi des fibres textiles partout : dans l'air, le
sol et dans le milieu aquatique comme en témoignent les très médiatisés "continents de déchets" présents dans les
gyres océaniques. Résultat : toute la chaine alimentaire est contaminée, du
minuscule zooplancton aux thons en passant par les oiseaux et l'Homme...
Le
constat est édifiant : à
l'échelle mondiale, 83 % des eaux du robinet sont polluées par
des microplastiques et donc quasiment toute notre alimentation puisque l'eau
entre dans la préparation de nombreux plats...
Contamination de
l'eau du robinet dans le monde
Crédit : Orb
|
Zone géographique
|
% d'eau du robinet contaminée
|
Etats-Unis
|
94 %
|
Beyrouth (Liban)
|
94 %
|
New Delhi (Inde)
|
82 %
|
Kampala (Ouganda)
|
81 %
|
Jakarta (Indonésie)
|
76 %
|
Quito (Equateur)
|
75 %
|
Europe
|
72 %
|
Notons
qu'en avril 2017, une équipe de chercheurs malaisiens de
l'université Putra
Malaysia a analysé différents sels vendus dans le commerce à
travers le monde et là aussi, presque
tous contenaient des microplastiques : 40 % de
polypropylène (PP) et 33,3 % de Polyéthylène (PE).
D'où proviennent ces microplastiques ?
On a longtemps
considéré qu'ils provenaient principalement de la dégradation des macro-déchets
de plastique abandonnés dans la nature (sacs, bouteilles, emballages divers...)
mais ils sont également constitués de fibres issues de
l'abrasion quotidienne des vêtements, de leur lavage en machine, des tapis, de
l'usure des pneus, des peintures, des microbilles utilisées en cosmétique... Une étude menée à Paris en 2015
avait montré que 3 à 10 tonnes de microplastiques se déposent chaque année sur
le sol de la capitale française, précise l'enquête d'Orb.
Microplastiques : doit-on préférer l'eau en bouteille ?
Pas si
sûr, à en croire les résultats d'une nouvelle analyse publiée en mars 2018 par Orb.
L'eau de 259 bouteilles différentes provenant de 9 pays (Chine, USA, Inde,
Indonésie, Mexique, Brésil...) a été analysé et 93 % d'entre elles étaient
contaminées par des microplastiques !
En moyenne, ce sont plus de 10 particules de microplastiques de plus de 100 µm
par litre d'eau en bouteille qui ont été trouvées, c'est deux fois plus que dans l'eau du
robinet.
Cependant,
les particules retrouvées dans l'eau en bouteille sont différentes : alors que
les fibres constituaient 97% des microplastiques retrouvés dans l'eau du
robinet, ils ne composaient que 13% des particules contenues dans l'eau
embouteillée, le reste étant des fragments de plastique et principalement du
polypropylène qui entre dans la composition des bouteilles elles-même.
Ceci signifie que la source principale des particules de microplastiques peut
provenir du processus industriel de mise en bouteille de l'eau, voire même de
la simple ouverture de la bouteille par le consommateur.
En
outre, n'oublions pas de contribuer au recyclage des déchets plastique : une
seule bouteille en plastique de 1l jetée dans la nature peut se morceler en
microplastiques qui, alignés, forme une ligne de 1,6 km de long !
Et
malheureusement, ces microplastiques, invisibles à l'oeil nu, ne se dégradent
pas et ne peuvent être récupérés ni détruits... Ils perdureront pendant des
siècles sous forme microscopique voire nanoscopique, affectant tous les milieux
et tout le vivant de notre planète avec des conséquences que l'on ne mesure pas
encore.
Microplastiques dans l'eau potable : un risque pour la santé ?
En
théorie oui, car les microplastiques contiennent ou favorisent l'adsorption de
composés chimiques persistants et toxiques, qui vont ensuite s'accumuler dans
nos tissus et favoriser l'apparition de cancers et maladies, indique
l'étude. Mais les premières études concernant les effets sur la santé des
microplastiques ne font que commencer et l'on ne sait pas encore si les
législateurs iront jusqu'à établir une valeur limite de concentration en
microplastiques dans notre eau. Ne parlons même pas des études sur notre
exposition aux nanoplastiques, qui appartiennent encore au futur.
Si les
microplastiques ont été détectés partout : eau de mer, eaux usées, eau douce,
nourriture, eau embouteillée et eau du robinet, un rapport de l'OMS publiée en août 2019 se
veut rassurant à la lumière des études actuelles, pourtant encore très
lacunaires et pas toujours très fiables, dixit le rapport.
Ainsi, les quantités actuelles de microplastiques dans l'eau ne sont
actuellement pas une source de préoccupation pour la santé.
"La surveillance des
microplastiques dans l'eau de boisson n'est pas recommandée pour le moment, car
rien n'indique qu'il y ait un risque pour la santé humaine (...) Cependant,
pour les chercheurs, il serait approprié de mener des études d'investigation
ciblées, bien conçues et contrôlées par la qualité afin de mieux comprendre les
sources et la présence de microplastiques dans les eaux douces et les eaux de
boisson (...) En outre, une meilleure compréhension de l'absorption et du
devenir des microplastiques et des nanoplastiques après leur ingestion est
nécessaire. Enfin, étant donné que les êtres humains peuvent être exposés aux
microplastiques par le biais d’une variété de milieux environnementaux, y
compris les aliments et l’air, une meilleure compréhension de l’exposition
globale aux microplastiques provenant plus largement de l’environnement est
nécessaire." résume le rapport.
Notes
- "Le
nitrate en lui-même n'est pas toxique. C'est la transformation des
nitrates en nitrites qui peut, potentiellement, avoir un impact négatif
sur la santé. Dans le sang, la présence de ces nitrites peut en effet
provoquer la formation de « méthémoglobine », une forme d'hémoglobine
incapable de transporter l'oxygène" (CIEAU, 2017).
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René CAPO