Présentation du professeur Henry Augier par Jean-Baptiste LENNE, journaliste de "La Dépêche du Bassin"
n° 965 - Du 20 au 26 novembre 2014
UN PROFESSEUR MARSEILLAIS S’ATTAQUE À NOTRE ÉMISSAIRE EN MER
« Au Wharf, les produits les plus toxiques ne sont pas éliminés »
Depuis
qu’il a découvert le Wharf de la Salie il y a quelques années, le
professeur marseillais Henry Augier - spécialiste des polluants en mer -
ne cesse de dénoncer l’émissaire en mer du Bassin et « les polluants
qu’il déverse ». Le grand tuyau bleu fait même la couverture de son
ouvrage.
Le
titre fait déjà polémique : “Des égouts sous la mer”. Sans parler de la
photo qui, sur le Bassin, ne passera certainement pas inaperçue… On y
voit le Wharf de la Salie - il y a quelques années - avec une grande
tâche brunâtre s’échappant de sa canalisation. Mais l’émissaire bleu du
Bassin est aussi en bonne place dans l’ouvrage signé du professeur
Henry Augier. Ce scientifique - qui fut responsable de l’enseignement de
la science des pollutions à l’université de la Méditerranée - s’attaque
aux émissaires en mer français : « Des procédés vieillots, obsolètes,
qu’il faut supprimer au plus vite », lâche-t-il. « Gigantesques
seringues qui injectent les polluants les plus toxiques, les plus
redoutables et les plus résistants… C’est une illusion de croire que
cette masse d’eau, sortant en continu des émissaires, reste bien
sagement sur place. » Et parmi les dizaines d’exemples que le
scientifique cite, deux ouvrages sont mis en avant : la calanque de
Cortiou déversant les effluents traités de Marseille puis le Wharf de la
Salie pour le volet atlantique. « Oui, il y a eu des améliorations »,
admet Henry Augier. « Lorsque l’on a commencé à déverser en mer les
effluents du Bassin, on collectait les eaux usées sur des dizaines de
kilomètres en les rejetant sans traitement. Puis des stations ont été
construites et améliorées. Mais ces ouvrages ne respectent que les
normes européennes qui sont déficientes. Les matières organiques et les
matières en suspension sont éliminées mais les procédés utilisés ne
sont pas faits pour arrêter les produits les plus toxiques et
indestructibles comme les détergents, les PCB, les métaux lourds… »
« On assainit la mer mais on pourrit les nappes »
«
Ramené au volume des eaux usées, cela commence à faire des quantités
importantes. » Et concernant l’alternative de l’infiltration que le
Siba étudie, Henry Augier n’est pas plus convaincu… « C’est une utopie,
un simple transfert de pollution des océans aux aquifères. On assainit
la mer mais on pourrit les nappes, les lacs et les zones humides. » Mais
alors, quelles solutions ? « Nous disposons actuellement de techniques
suffisamment performantes pour épurer à 100 % les eaux usées dont la
qualité peut atteindre celle des eaux potables. » Le scientifique cite
donc des exemples à Berlin, en Australie, en Namibie ou, plus proche de
nous, à Cannes où la station d’épuration épure totalement ses eaux. »
Alors, avec ce livre, l’auteur souhaite faire naître « une prise de
conscience » et « un débat », notamment autour de notre plan d’eau. « Il
faut mettre les autorités et les élus en face de leurs responsabilités,
en rappelant que les lois sur l’eau recommandent de traiter la
pollution à la source et non pas de l’éloigner des rivages ! »
[ J-B.L. ]
Et la tâche alors ?
L’explication
a été donnée plusieurs fois par le Siba. « Avant 2007, une tâche
brunâtre marquait le point de déversement du Wharf, due à l’utilisation
par les stations d’épuration de sulfate de fer, employé pour ses
fonctions coagulantes. Le produit a, depuis, été remplacé par le
polychlorure d’aluminium, incolore cette fois. Des épisodes ponctuels de
coloration sont observés », concède la collectivité du Bassin. « Par
ailleurs, des mousses sont couramment observées en sortie d’émissaire et
constituent un marqueur visible du panache du Wharf, dont la dynamique
est liée au vent, à la marée et aux vagues ».
« Il faut mettre les autorités et les élus en face de leurs responsabilités », martèle le scientifique.
“Des égouts sous la mer”, Henry Augier. Aux éditions “Libre et solidaire”. Prix 15,90 euros, 224 pages.
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