Covid19 : Plus jamais ça ?
Ambassadeur à l’environnement
Le message est clair. Il émane des scientifiques mandatés par l’ONU. Nous ne sommes pas dans des élucubrations d’extrémistes écolos. On est dans le réel : ce que nous faisons à la planète depuis des décennies, nous le payons cher, très cher. La destruction des habitats naturels, notamment la déforestation, est à l’origine de l’apparition de plus de 30 % des nouvelles maladies observées depuis 1960.
Donc non, ce n’est pas parce qu’il y a toujours eu des zoonoses
comme la peste, que la COVID19 serait une fatalité dont la survenue n’a pas l’homme
pour responsable. Merci aux scientifiques de l’IPBES de dire objectivement ce
qu’il faut en penser. Ouvrons les yeux, et ne nous laissons pas entrainer,
comme souvent quand il s’agit d’environnement, dans les mêmes refrains :
l’environnement se dégrade, ce n’est pas si grave, l’humanité n’y est pour
rien, … et donc, ne remettons pas en cause le business as usual.
Bien sûr, pour l’heure, nous sommes dans la gestion de crise :
éviter les contaminations et les morts. Soutenir à bout de bras une économie
mise à mal par des confinements à répétition. Mais sans tarder, il va nous
falloir collectivement penser aux causes. Il est de notre responsabilité de
chercher à répondre à l’injonction du « plus jamais ça ».
Préserver la biodiversité, avant même la crise
de la COVID, était une nécessité
Une nécessité éthique. De quel droit massacrons-nous
méthodiquement toute parcelle de « sauvage » et de nature ?
Cette guerre ancestrale livrée par l’humanité à la nature, hostile et dure à
notre égard pendant des siècles, nous l’avons gagnée depuis longtemps. Il est
temps de faire la paix. Pourrions nous vivre sans nature ? le
concevons-nous réellement ? plus d’oiseaux qui chantent ? plus
d’insectes, de papillons, de scarabées, de libellules qui écarquillent les yeux
des enfants ? plus de dauphins et de baleines qui surgissent des
mers ? plus de forêts dans lesquelles se ressourcer ? plus
d’émerveillements en croisant un animal sauvage ici ou là ? Une nécessité
économique. A force de nous distancer de la nature, les enfants ont oublié
qu’un poisson a des nageoires et le dessinent en forme de rectangle jaune (un
morceau de poisson pané !). Nous avons oublié ce qu’est la nature :
un réservoir colossal de biens et de services gratuits : productivité des
cultures, pollinisation des fruits et des légumes, pêche, médicaments, remparts
aux inondations, purification et stockage de l’eau, puits de carbone,
approvisionnement en oxygène, etc. Et dorénavant, une nécessité
sanitaire.
Relisons un instant, en résumé,
ce que les scientifiques onusiens de l’IPBES nous
disent :
1,7 million de virus non
découverts sont présents dans la faune sauvage. Plus de la moitié pourrait
finir par nous infecter. La destruction et la perturbation des milieux naturels
par les activités humaines augmentent les contacts entre cette faune sauvage,
nos bétails et nous-mêmes. Le changement climatique pousse des espèces à
migrer, et avec elles, leurs microbes. d’autres pandémies comme la COVID19
surviendront dans les années à venir si nous ne réagissons pas. Peut-être plus
meurtrières, plus couteuses aussi ! les solutions préventives les plus
efficaces pour réduire les contacts humains/bétail/faune sauvage résident dans
la protection des milieux naturels en offrant à la faune et à la flore un
refuge, un espace de tranquillité. En consacrant 30% de la surface terrestre à
des aires protégées, nous pourrions répondre à ce besoin. Cela aura un coût. Il
est estimé par certains experts à une dépense annuelle et mondiale de 58[1] à 140 milliards
de dollars[2]. Mais comparons cela à
ce que nous coute d’ores et déjà la COVID19. Pour l’heure, on est dans une
fourchette de 8000 à 16000 milliards de dollars.
Les préconisations des scientifiques
seront-elles suffisantes ?
Personne ne le sait. Mais nous devons urgemment les étudier. Deux
d’entre elles par exemple, méritent toute notre attention :
Adopter un accord international – tel que proposé par l’IPBES -
portant sur la prévention des pandémies avec pour bras armé une plateforme
intergouvernementale dont l’objectif sera de prévenir l’émergence des
pandémies, surveiller les zones et pratiques à risques, avertir en amont les
décideurs, proposer et mettre en œuvre des solutions préventives efficaces.
Enjoindre aux conventions et organismes internationaux existants, notamment la
CITES, l’OIE, et l’OMS, quitte à les renforcer, de réduire les risques de
zoonoses liés au commerce international d’espèces sauvages qui porte sur près
d’un quart des vertébrés terrestres.
L’année prochaine, la COP15 dédiée à la biodiversité et la COP26
sur le climat se dérouleront quasiment conjointement à quelques semaines
d’intervalle. Profitons-en pour décider à la COP 15 biodiversité de préserver
réellement 30% de la planète dont 10% en protection forte. Et à la COP26
climat, renforçons le lien entre l’action climatique et l’action en faveur de
la biodiversité. 30% des financements « climat » pourraient aller
vers la conservation de la nature. D’autres rendez-vous internationaux majeurs
seront des occasions à ne pas manquer : l’Assemblée Générale des Nations
Unies pour l’Environnement en 2021, le sommet de la Terre de 2022.
Nous aurons quelques mois avant ces évènements internationaux
majeurs pour réfléchir aux solutions à adopter. L’IPBES nous donne une panoplie
de réponses possibles.
La question des mois à venir sera donc avant tout celle de la
prise de conscience des Etats et des décideurs sur ce lien direct entre la
COVID et les atteintes à la biodiversité. Feront-ils, dès lors, des prochains
rendez-vous internationaux des lieux pour décider et se mobiliser sur le seul
objectif qui compte : « plus jamais ça » ?
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