Une opération de nettoyage de la plage du lac marin de port d’Albret à Vieux-Boucau dans les Landes Crédit photo : Isabelle LOUVIER/Archives « Sud Ouest »
Par Jean-Denis Renard - jd.renard@sudouest.fr Publié le 11/09/2021
Océanographe et spécialiste des déchets marins à l’Ifremer, François Galgani a participé à une étude internationale qui réévalue à la hausse la pollution des océans par les particules de plastique. Elles colonisent toutes les eaux
Publiée le 9 septembre dans la revue scientifique «
Microplastics and nanoplastics », l’étude reprend vingt années de
données issues de la collecte de microplastiques dans les eaux de surface -
jusqu’à trois mètres de profondeur - des milieux marins mondiaux. Elle conclut
à une pollution bien plus forte que ce qui était envisagé jusqu’à
présent. Entretien
avec François Galgani, chercheur à l’Ifremer à Bastia, l’un des signataires de
ce travail.
François Galgani FG
Quels sont les grands enseignements de cette nouvelle étude ?
Le
nombre de microplastiques - des pièces inférieures à 5 millimètres - à la
surface des océans est beaucoup plus important que ce que la précédente
évaluation, datée de 2014, avait chiffré. Là, nous sommes entre 82 000 et 570
000 tonnes, cinq fois plus. Ceci ne veut pas dire que la pollution a bondi
entretemps. On dispose simplement de données plus complètes qui permettent
d’approcher plus justement la réalité. Il n’y a pas un seul océan épargné sur la
planète, régions polaires comprises. Ce qui démontre l’ampleur du problème. Il
est d’autant plus aigu que 95 % des déchets en plastique ne restent pas à la
surface des océans. Ils s’enfoncent vers les fonds, qu’il s’agisse des
microplastiques ou des macro-déchets.
Les
mers et les océans sont-ils tous touchés dans les mêmes proportions ?
Non. La
Méditerranée par exemple est massivement polluée par le plastique, plus que
l’Atlantique. Ce constat s’explique par la densité de population sur le bassin
et par l’absence de contrôle des déchets à la source. En Méditerranée
orientale, on peut atteindre un extrême de 64 millions de fragments au km². Le
delta du Nil, qui charrie les déchets des millions d’habitants du Caire, en est
responsable, comme les défaillances du traitement des déchets au Liban ou en
Syrie. Dans d’autres zones comme le Sud Adriatique, le Nord Ligurie ou le
bassin Levantin, on reste au-dessus du million de fragments au km². Il peut y
avoir des concentrations saisonnières. C’est le cas l’été au large de
Bonifacio, en Corse.
Et dans
l’Atlantique, face aux côtes françaises ?
La densité est moindre, on estime qu’elle
ne dépasse pas 50 000 microplastiques au km². Mais l’essentiel du problème est
au fond. Il y a des accumulations parfois spectaculaires dans les zones
côtières et dans les canyons qui entaillent le plateau continental (1). Et ça
ne date pas d’hier. En 1998, j’ai plongé dans le gouf de
Capbreton. On était descendu jusqu’à 1 850 mètres de profondeur et
on avait constaté la présence de plastique. Les zones d’accumulation dépendent
des courants et de la topographie. Typiquement, dès qu’il y a une fosse, il y a
des déchets. Où partent-ils ensuite ? On n’a pas encore la preuve visuelle
qu’ils tapissent les plaines abyssales à grande distance des continents mais on
a toutes les raisons de penser que c’est le cas. Les concentrations importantes
se retrouvent aussi dans le panache des embouchures. La grande
vasière au large de la Gironde est ainsi concernée, qu’il s’agisse
des microplastiques ou des déchets plus gros. Les sédiments s’y accumulent, les
plastiques aussi.
Les
courants transportent-ils le plastique ?
Oui, en
hiver dans le golfe de Gascogne où le courant du Portugal remonte les
macro-déchets de la Péninsule ibérique jusqu’aux plages de la
Nouvelle-Aquitaine. Chaque pays en reçoit et en renvoie ailleurs. Ce qui
s’échappe dans la mer Celtique, au sud de l’Angleterre et de l’Irlande, a
tendance à repartir vers le sud et Madère, au large des côtes marocaines. Dans
les océans, ce qu’on appelle exagérément les « continents de plastique » - ce
sont en fait des zones où leur concentration est supérieure à la moyenne -
procède des gyres, des courants tourbillonnants qui accumulent les plastiques
en leur centre.
Que deviennent
ces déchets ?
Ils se fragmentent. Leur dégradation se
déroule à vitesse très variable suivant qu’ils coulent ou pas, car l’action des
rayons du soleil joue un rôle important. La flottabilité n’est pas la même
suivant les polymères, elle dépend de leur densité. Les PVC coulent
rapidement, comme les fibres de polyester et de polyamide. Pas le
polyéthylène qui sert à fabriquer les sacs de caisse, ni le
polypropylène. Mais les fabricants ajoutent parfois des polycarbonates au
polyéthylène, ce qui alourdit l’ensemble et l’envoie par le fond. La vitesse de
chute dans la colonne d’eau est également variable. À grande profondeur, ces
déchets peuvent rester stables pendant des dizaines, voire des centaines
d’années.
(1)
Le plateau continental est la continuité sous-marine des terres émergées
jusqu’au talus continental qui marque la transition vers les plaines abyss
http://renecapo.blogspot.com/search?q=fl%C3%A9au+plastique+1977
http://renecapo.blogspot.com/2013/09/info-comite-de-vigilance-collectif_5176.html
« Nous sommes tous concernés…»
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