FLASH
INFO
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Ecrit
le 21/ 11
/2011
par
Paul
MOLGA
Correspondant
à Marseille
Les sols
français passent au tamis de la science
Une pincée de terre
contient plus de micro-organismes que ce que la planète porte d'êtres humains.
« Or cette
biodiversité, qui a déjà fourni de précieux principes actifs médicaux, nous est
pratiquement inconnue », regrette l'agronome
Dominique Arrouays, à la tête de l'unité Infosol de l'Inra
(Institut national de la recherche agronomique). Il vient de combler une partie
de ces lacunes en livrant à la communauté scientifique la première carte de
l'état des sols français à partir d'un travail de compilation de plusieurs
millions de données collectées depuis dix ans par son réseau de mesure (13.000
échantillons prélevés sur 2.200 sites, maillant le territoire par carrés de 16
kilomètres) et 9 autres programmes d'inventaires nationaux coordonnés par le
groupement d'intérêt scientifique sur les sols (GIS Sol)
Profondeur, texture,
structure, fertilité chimique, diversité microbienne, teneur en carbone,
polluants...
Le check-up révèle un
état de santé précaire.
« De
grandes incertitudes pèsent sur l'état des sols agricoles et forestiers,
l'évolution de leur structure à long terme et leur teneur en matières organiques
»,
résument les auteurs du rapport présenté vendredi.
Un
milieu très fragile
L'épiderme de la
planète, épais de 30 centimètres en moyenne, est un formidable réacteur
biologique qui abrite d'intenses échanges biologiques et physico-chimiques et
rend d'immenses services. Il filtre l'eau et les polluants, fournit les éléments
indispensables à la production végétale, contrôle le régime des eaux
superficielles et l'alimentation des eaux souterraines, régule le cycle du
carbone, de l'azote et des gaz à effet de serre et sert d'habitat pour près de
80 % de la biomasse. « C'est le milieu le plus riche de
notre environnement », explique Claude
Bourguignon, pionnier d'une approche agricole respectueuse des sols, qui
dirige le LAMS (Laboratoire d'analyse microbiologique des sols) depuis vingt
ans.
C'est aussi l'un des
plus fragiles, constitué au terme d'un processus d'altération et de dégradation
lente de la roche. Un lichen s'y installe, des insectes viennent le manger et
déposent des débris de toutes sortes et des déjections. Une graminée peut y
prendre racine. Elle attaque la surface de la roche, fabrique de la matière
organique qui va s'y mélanger et se décomposer. Au fil des saisons, une plaque
de terre se constitue. Si elle n'est pas lessivée ou soufflée, elle atteint
péniblement un centimètre d'épaisseur au bout de - selon sa localisation -50 à
2.000 ans. « C'est un
système sensible et une ressource difficilement renouvelable »,
résume-t-il.
Les réserves minérales
inventoriées par le GIS Sol ont de quoi le rassurer. « Sur ces quinze dernières années, le
pH des sols agricoles ne présente pas de variation, preuve que le processus
d'acidification a été compensé par l'apport d'amendements minéraux dans les sols
non carbonatés », explique Dominique
Arrouays. Les sols cultivés ne montrent pas non plus de baisse mesurable de
leurs teneurs en potassium et en azote, deux nutriments indispensables à la
croissance des plantes.
Excepté dans certaines
régions (Bretagne, Pays de la Loire, Champagne-Ardenne et Aquitaine), la grande
majorité d'entre eux présente enfin des teneurs « raisonnables » en phosphore,
autre élément indispensable à la fertilité des sols, mais qui participe en excès
à l'altération des eaux de surface. L'analyse de l'ADN microbien des sols prouve
enfin une bonne teneur en micro-organismes. « Notre inventaire taxonomique prouve
la présence d'au moins 15.000 espèces différentes sur chacun des 600 sols que
nous avons analysés », confirme l'écologue
microbien Lionel Ranjard, directeur scientifique de la plate-forme
GénoSol de l'Inra, qui a conduit ces
travaux.
Le bilan positif
s'arrête là. « Même
si au plan de la fertilité chimique, l'évaluation de l'état des sols ne
nécessite pas d'alerte générale, des menaces prégnantes pèsent sur leur
avenir », s'inquiète Dominique
Arrouays.
A commencer par le poids
des polluants. Des teneurs parfois importantes en toxiques ont été confirmées
un peu partout sur le territoire : arsenic, cadmium, mercure, chrome,
cobalt, cuivre, molybdène, nickel, thallium, zinc, dans des proportions
qualifiées d' «
anormales à inquiétantes ». « On a par exemple pu mettre en
évidence que le lindane, un insecticide interdit depuis 1998, est présent dans
tous les sols, y compris là où il n'a pas été épandu », indique le chercheur.
Le risque de transfert de ces éléments dans la chaîne alimentaire reste
cependant très faibles.
Le
danger du tassement
L'érosion est l'autre
facteur de dégradation des sols qui les inquiète. En moyenne, 17 % du territoire
national en sont victimes, et le phénomène s'accentue à un rythme désormais
supérieur à la pédogenèse, qui construit les sols. Mauvaise gestion agricole,
urbanisation et changement climatique sont responsables de la disparition de
100.000 hectares de terres agricoles tous les ans . Partout où gagne
l'érosion, les équilibres s'effondrent, l'activité biologique recule et les sols
meurent quand ils ne se tassent pas, un autre processus de dégradation physique
dû aux pratiques agricoles modernes, qui concernerait en Europe 33 millions
d'hectares, soit 4 % des terres.
« La
compaction des sols agricoles et forestiers cause une baisse de la production et
accroît l'impact des activités humaines : augmentation du risque de lessivage
des nitrates, d'émission de protoxyde d'azote, de ruissellement, d'érosion
»,
indique le rapport du GIS Sol. Les pratiques modifient aussi l'activité
biologique de la terre et la circulation de l'eau. « En retournant profondément le sol,
les labours perturbent la vie souterraine et les échanges
biochimiques, décrit Claude
Bourguignon. Les gaz
carboniques s'échappent du sol, la matière organique qui s'en nourrit se réduit,
la faune disparaît et avec elle l'ascenseur qui brasse les nutriments et
minéraux liant les sols. L'humus est balayé par les eaux, l'argile se met en
mouvement et la terre devient une simple boue gluante.
Selon l'état des lieux
du GIS Sol, près de 40 % des surfaces présentent un risque de tassement
irréversible au moins une année sur deux. « Si le phénomène
perdure, craint Claude
Bourguignon, nous
manquerons de blé avant de manquer de pétrole ».
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SOLS
QUI PEUT….
Dans l’Info Comité de
Vigilance – Collectif Aquitain du 11 novembre 2010 nous avions déjà évoqué la
réaction de Claude Bourguignon.
Un
agronome vous parle
Reportage vidéo à
voir ou revoir :
Merci de bien vouloir faire part de vos remarques
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