Sud Ouest du
28 août 2010 Par
Mathieu
Palain
Orme
légendaire de Biscarosse
|
(Re)découvrez
l'histoire de cet arbre emblématique de la station
balnéaire
photo
Axel Frank
Si l'arbre est
aujourd'hui mort, il reste désormais l'ouvrage de Jean-Claude Blondin pour faire
vivre la légende.
«L'Orme de
l'innocence » n'est plus. Paix à son âme, le vieil arbre de Biscarrosse a rendu
les armes. Exténué par la rudesse de l'hiver, et la maladie qui le rongeait
depuis quatre ans. « On le savait fragile. Il était suivi par un expert depuis
plusieurs années. Foudroyé par la graphiose, il s'est éteint et n'a pas
redémarré au printemps. C'est fini », explique tristement Thierry Gendreaud, du
service environnement de la mairie. Un joyau du patrimoine municipal disparaît.
Mais au-delà, c'est la mémoire des Landes qui flanche. Vieux de six siècles,
l'orme porte en lui les légendes de la région. Dont la plus célèbre, celle
d'Adeline Marsan.
Il était une
fois Biscarrosse, sous la coupe du Prince noir. Fort de son triomphe en 1356 à
la bataille de Poitiers, le valeureux guerrier à l'armure sombre règne en maître
sur l'Aquitaine. Et la petite cité landaise n'échappe pas à son
pouvoir.
Chez les
Marsan, les deux filles illuminent le cœur des hommes par leur incroyable
beauté. Mais si Aude aspire à jouer de ses atouts pour grimper dans l'ascenseur
social, Adeline n'a que faire de monter en gamme : Pierre, son amoureux de
berger, la comble déjà de bonheur.
Présentées à la
cour par un officier anglais très intéressé, les sœurs font sensation parmi les
puissants. Bien malgré elle, Adeline foudroie le prince d'amour. Lui, chaud
comme la braise : « Vous me faites, Madame, grande tentation, que je ne saurais
point réfréner mes pulsions. Touchez mon cœur il bafouille, il s'inquiète. » (1)
Elle, glaciale comme l'iceberg : « Pour Dieu j'ai la prière et j'ai, pour mon
berger la meilleure vertu, Seigneur, la chasteté. » Coriace la gamine. Du cran
et à peine 20 ans. Mais qu'a-t-il de si extraordinaire ce berger ? Du tac au tac
: « Il a le temps d'aimer, quand d'autres aiment prendre. Et sachez que son âme,
à lui, n'est pas à vendre. »
Seulement il en
faut plus pour décourager un prince. Et une princesse. Car Jeanne de Kent
manigance en secret pour prendre la jeune bergère dans ses filets. La princesse
fait publier un édit « punissant sans pitié les pécheresses qui, sans vergogne,
s'en vont à la couche des autres ». Et s'empresse d'organiser l'adultère en
bonne et due forme. Adeline est convoquée chez le prince et appelée dans sa
chambre. Et voilà comment chasseur et gibier se retrouvent nez à nez.
Triomphante derrière le masque de la femme trompée, Jeanne de Kent envoie la
jolie bergère croupir au cachot. En attente de procès.
La fleur de
l'innocence
Place de
l'Église, sous l'orme - arbre de justice - Adeline, vêtue de la chemise blanche
des pénitentes, s'apprête à recevoir le jugement des anciens : « La loi dit :
toute jeune fille ayant fauté sera punie pour perte de virginité. Seul le
Seigneur des lieux a droit de cuissage. » Tout bénef' pour le Prince noir. Sans
plus de cérémonie, Adeline, « dans sa nudité, est exposée quatre jours, pour
respecter la norme, aux quolibets des gens qui viendront jusqu'à l'orme
».
Comme violée,
Adeline s'éteint, morte de honte. En auréole, une couronne de fleurs blanches se
forme à même le tronc de l'orme, stigmate de la pureté
bafouée.
Mais l'histoire
ne s'arrête pas là. Depuis ce triste jour de mai, chaque printemps, l'orme
fleurit d'une couronne blanche. Curieux phé- nomène, qui n'a pas manqué
d'alimenter la légende de l'innocente Adeline.
« Les pousses
blanches ? Juste un amas de feuilles décolorées qui se forme à l'éclosion des
fleurs nouvelles. C'est à partir de ce constat que la légende s'est construite.
Pas l'inverse », corrige Thierry Gendreaud. Moins romantique. Et d'autant plus
triste, que l'on n'apercevra plus jamais de fleur immaculée sur le vieux tronc
sec.
(1) Citations
tirées de l'ouvrage « L'Orme de l'innocence » écrit par Jean-Claude Blondin et
inspiré de la légende orale recueillie par l'abbé
Lapeyre.
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